top of page
saint-firmin-2.jpg

Homélie de Mgr Le Stang pour la fête de la Saint Firmin
Dimanche 29 septembre


Chers frères et sœurs, 
Grâce à Saint Firmin, la foi chrétienne a fleuri sur notre terre picarde. Firmin s’est mis en marche avec des frères pour annoncer l’Évangile, depuis Pampelune, en sa lointaine Navarre. Il a été touché par la personne de Jésus, le Fils de Dieu, crucifié pour nous. Il a lu et médité la Parole de Dieu et s’est dit : cette Parole est vraie ! Elle est un roc sur laquelle je puis bâtir ma vie. Plusieurs parmi vous, de plus en plus nombreux, catéchumènes, néophytes, baptisés ou confirmés depuis peu, ou ayant repris le chemin de l’Église, le savent bien : la foi joue comme un tsunami intérieur. Dieu touche l’âme. L’esprit accède à l’essentiel. Tout s’unifie et s’éclaire. Le corps lui-même s’apaise. Convertis au Christ, nous trouvons un port d’attache et aussi la capacité de naviguer sans peur en haute mer. Nous trouvons l’abri protecteur de la miséricorde divine, et le goût, en nous trouvant nous-mêmes, d’aller trouver les autres, fussent-ils fort différents de nous. Dans l’Église, nous nous sentons chez nous, non pas comme citoyen d’une cité parfaite, tant s’en faut, nous l’apprenons bien vite, mais comme membre d’un corps où chacun a sa place et sa vocation, en chemin vers la Cité du ciel. Trouvés par le Christ, qui frappait depuis longtemps à notre porte, nous trouvons la paix du cœur et sommes guéris d’une forme d’aveuglement, parfois certes, après de cruelles épreuves. « On ne voit bien certaines choses qu’avec des yeux qui ont pleuré » nous apprend un proverbe africain. Mais les larmes de l’épreuve ou celles du repentir savent devenir des larmes de joie. Le Christ est vivant, et il dit : va, ne crains pas, tu connais désormais le chemin, je serai avec toi tous les jours ; va, les serpents ne te piqueront pas, les poisons mortels ne te tueront pas ; va et mets-toi au service des malades et des pécheurs, de ceux qui ne connaissent pas Dieu ; va, annonce ma Parole aux pauvres et dis leur que la vie n’est pas une impasse. Sans prendre en mains des serpents, notre cœur nous le dit : Croire en Jésus Ressuscité éveille en nous une énergie de résurrection que ni l’angoisse, ni la mort même ne peuvent éteindre.  
Frères et sœurs, l’expérience fondatrice de la rencontre du Christ qui nous aime est ainsi le cœur battant de notre foi et de notre vie ecclésiale. Que nous soyons chrétiens de la première heure ou converti de la dernière, c’est le Christ qui donne sel et lumière à nos existences. Il nous rend frères et sœurs. Il oriente nos choix et nos destinées. Nos traditions, nos églises et chapelles, nos liturgies et nos paroisses, tout trouve son sens en puisant à ce lien d’amitié au Seigneur, à l’adoration que nous lui vouons et à la confiance en sa Providence. Nos approches de la dignité de toute vie humaine, de la fraternité et de la justice, notre vision de la société où l’estime remplace l’invective, le soupçon et la polémique, notre goût pour la science et la culture, tout cela puise à cette source de l’amitié de Jésus et au projet du Créateur pour le monde. La vie des justes est dans la main de Dieu, – dit la première lecture – aucun tourment n’a de prise sur eux… et même s’ils sont éprouvés comme l’or au creuset, ils sont dans la paix. De cette paix, il nous revient d’être témoins : c’est un devoir de conscience, mais surtout un désir jaillit du tréfonds de nos âmes, que Saint Paul résume en une phrase choc : malheur à moi si je n’évangélise pas !  
Évangéliser, mais comment, dites-le-moi ? Joyeux d’être au Christ, nourris par sa Parole et son eucharistie, membres de son Corps qui est l’Église, habités par une sagesse et une folie inattendues, nous avons beaucoup à partager. Mais comment faire ? En évitant le prosélytisme bien sûr – les doctrines fausses, les motifs impurs ou la ruse – dit St Paul aux chrétiens de Thessalonique. Commençons plutôt par regarder comment nous l’avons déjà fait, et comment nous le faisons dans les rencontres multiples de notre vie. Évangéliser, c’est voir nos interlocuteurs non comme des personnes à convertir – la conversion, c’est le job de Dieu ! – mais des personnes à aimer, à visiter, à écouter, à soutenir. Des personnes avec lesquelles partager, raconter ce qui nous tient le plus à cœur. Si la foi te brûle de l’intérieur, n’est-ce pas l’espérance qu’elle donne qui te tient le plus à cœur ? Il n’est alors pas sorcier de se mettre en chemin, d’organiser une mission paroissiale, de rencontrer l’autre à un niveau de respect et de profondeur dont nous le savons capable, le laissant libre de recevoir ou pas notre parole. Ni grandes théories ou discours, non, mais le cadeau d’une joie, d’une conviction. Le langage de la foi n’est pas une langue étrangère, un sabir étrange, un karaoké pour perroquet. C’est le langage du cœur, imprégné de la Parole de Jésus, qui d’abord écoute et interroge : Que veux-tu que je fasse pour toi ? En quoi crois-tu dans la vie ? As-tu déjà essayé de prier ? Voulez-vous que je prie pour vous ? Un langage qui nous fait être et vivre en vérité. Est-ce encore possible, me direz-vous l’heure des grandes peurs, où on préfère rester chez soi, à zapper sur Netflix ou tapoter ses écrans ? Mais ce temps, souvenons-nous des J.O, est aussi celui où des athlètes savent s’imposer une discipline sévère pour remporter des médailles ? Dans discipline, il y a disciple. Les athlètes de Dieu sont d’abord des disciples, et même si la discipline est sévère, il y a du bonheur à la vivre. St Paul dit aux Thessaloniciens : nous avons trouvés en notre Dieu, pleine assurance, pour vous annoncer, au prix de grandes luttes, l’Évangile de Dieu. A force de ne plus oser être témoins du Christ, nous risquons de devenir nous-mêmes des sous-évangélisés, car notre foi grandit quand on la transmet. Soyons honnêtes avec nous-mêmes : puisque la foi est importante pour nous, ouvrir des chemins, n’est-ce pas un merveilleux cadeau à offrir et le premier de nos devoirs ? Voilà qui balaie tous les prétextes, les inerties ou résistances que montent en nous.  
C’est d’abord cela, frères et sœurs, qui se trouve au cœur de la lettre pastorale que je vous adresse en ce jour. Son titre sonne comme un acte d’espérance qui nous ancre dans le présent : la moisson est abondante – surtout en cette année où elle n’a pas été bonne -. Après avoir rappelé la situation contrastée de notre Église, cette lettre présente le cadre et l’itinéraire pour vivre ensemble le témoignage au Christ Vivant dans les cinq ans à venir. Le cadre est celui des six champs missionnaires qui recouvrent le territoire de la Somme et remplacent les 14 secteurs apostoliques, et au sein desquels des projets d’évangélisation et de service, de proximité et dialogue, seront portés par des équipes de laïcs de nos paroisses, appelées à un souffle nouveau, et par des fraternités de prêtres. Cela j’y tiens particulièrement : que les prêtres, sous la houlette d’un modérateur, se retrouvent en fraternité le plus souvent possible pour prier, partager, se projeter et fêter. Aucun prêtre ne doit se retrouver isolé, notamment quand il arrive en mission chez nous d’un autre pays, puisque nous avons la grâce d’être servis par des prêtres d’horizons divers. L’Esprit est à l’œuvre en notre temps et la moisson est abondante. Des jeunes et des adultes frappent à nos portes pour demander un sacrement, vivre nos liturgies, et partager nos valeurs… et tant d’autres, intimidés ou ne sachant pas comment faire, se perdant parfois sur les réseaux sociaux ou dans des recherches ésotériques, voire pire, nous disent : venez nous aider, nous parler, vous qui semblez motivés par un amour plus grand que l’amour, car Dieu est amour. A nous d’aller vers eux en ce temps favorable. A nous d’être l’église « en sortie » !  La semaine passée, nous avons fêté un autre saint du diocèse, Saint Antoine Daveluy, prêtre d’Amiens, un des martyrs de Corée au XIX° siècle. Dans une lettre, lue au jour de sa fête, il écrit : « … ce qui va nous arriver, Dieu seul le sait. Pour nous, vous le savez, quelques jours de souffrance seraient compensés par le bonheur de confesser le nom de Jésus-Christ. Et si Dieu nous permettait que la palme nous fût accordée, nous serions trop heureux. (…) (la perspective du martyr ne l’empêche pas de rester serein et confiant en Dieu) … je n’ai pas l’ombre d’un souci, écrit-il plus loin, pas d’ennuis, de découragement, je suis toujours calme, gai, content, heureux. C’est le commencement des grâces dont Dieu veut bien nous entourer. Sous sa garde, que puis-je craindre ? Je ne changerai pas mon état pour tout au monde. Aux yeux de la foi, tout est donc très bien. »  
Frères et sœurs, en 2025, comme tous les 25 ans, nous entrerons dans une année de jubilé. Son thème tient en deux mots : Pèlerins d’espérance. Tout un programme ! J’ai beaucoup d’espérance et de confiance pour l’avenir de notre diocèse, et je mesure combien Dieu le bénit chaque jour, au cœur de ses fragilités… même si avec Saint Antoine, on peut dire : « Ce qui va nous arriver, Dieu seul le sait », j’ai juste envie, ce matin, que vous partagiez mon espérance. La vie de notre Église est dans la main de Dieu. Alors, que chacun y vive à fond sa vocation, car Dieu veut, par nous, transmettre au monde son éternelle joie. Amen.  

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens
 

bottom of page